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Eric WirthWritten by: Professione e Formazione

L’architecture en période de crise Covid-19

L’architecture en période de crise Covid-19

Au début était le confinement

Dès l’annonce du confinement par le président Emmanuel Macron, les architectes français se sont immédiatement organisés pour poursuivre les études en cours, notamment par le biais du télétravail. Malgré son indéniable efficacité, rendue possible par les outils de l’ère numérique, le télétravail a très vite montré ses limites, notamment par rapport au nécessaire travail d’équipe.
Le processus de conception est de moins en moins un acte isolé, il nécessite des échanges permanents pour confronter et éprouver les idées et les solutions techniques. Et si les réunions en visio-conférence ont démontré que dorénavant on pouvait économiser beaucoup de déplacements, elles ne permettent pas l’émergence d’une vraie communion autour du projet, notamment pendant la conception.

Mais les principaux freins à ce travail multi-site ne sont pas à chercher du côté de la production des études, mais chez les maîtres d’ouvrage, les clients, ou d’autres intervenants, souvent en incapacité de procéder aux nécessaires validations des phases d’études. Cette situation est aggravée en France par le fait que les élections municipales ne sont pas arrivées à leur terme, et aucune nouvelle équipe municipale n’est en place à ce jour, ce qui empêche la prise de décision et affecte le déroulement du projet.

Dans le même ordre d’idées, un problème plus grave et qui risque de peser lourdement dans la relance post-covid est celui des autorisations d’urbanisme (permis de construire, …) dont l’instruction a non seulement été suspendue en raison de la fermeture de beaucoup de services publics, mais surtout, légalement, par le biais d’une ordonnance du gouvernement qui a gelé les délais d’instruction et les délais de recours.

Le Conseil National de l’Ordre des Architectes a bien entendu réagi immédiatement auprès du gouvernement pour rectifier cette ordonnance, ce qui a été partiellement fait. Il a milité pour que les consultations et concours en cours ne soient pas différés ou suspendus. Il a également insisté auprès de tous les maîtres d’ouvrage pour que le paiement des prestations réalisées ne soit pas suspendu, et réglé rapidement afin de ne pas ajouter de la difficulté pour les structures professionnelles.

Dès le 17 mars, date du début du confinement, l’Ordre des Architectes a donné tous les outils aux architectes pour organiser et sécuriser la fermeture des chantiers avec l’ensemble de la filière.

Il a également mobilisé tous les architectes, et notamment les spécialistes de l’hospitalier, afin que ceux-ci s’investissent dans les projets d’adaptation des bâtiments au contexte Covid 19, ou dans les projets d’unités hospitalières à montage rapide.

Les services nationaux et régionaux de l’Ordre des Architectes sont tous fermés, mais l’ensemble du personnel et des élus est au front pour aider les architectes à gérer la crise, que ce soit au niveau de leur activité, de leurs chantiers, mais également au niveau social, assurantiel, fiscal, etc.

A ce sujet, l’Etat a mis en place un grand nombre de dispositifs pour aider les entreprises à résister pendant cette crise : recours et financement total du chômage partiel, fonds de solidarité pour les indépendants, prêts bancaires garantis par l’Etat, prise en charge des salaires pour garde d’enfants, formation gratuite pour les salariés, report du paiement des charges sociales, impôts, loyers et factures, d’énergie, ….
Par le biais de certaines ordonnances, il a également allégé un certain nombre de règles pour faciliter la poursuite et le lancement de projets.

Il n’en demeure pas moins que, même si les architectes sont beaucoup moins impactés que d’autres professions empêchées de travailler (bars, restaurants, cinémas, coiffeurs,…), leur « flottaison » n’ira pas au-delà de 2 ou 3 mois.
Sachant que la crise économique qui suivra la crise sanitaire entrainera de facto le recul de l’investissement, notamment dans l’immobilier et les travaux. Tout le secteur touristique, par exemple, ne sera plus en mesure de porter des projets.
2020 sera dur, mais les architectes craignent surtout 2021 et 2022. Beaucoup de structures, petites ou grandes, n’y survivront pas.

Aujourd’hui, le temps de la reprise

Le bâtiment est un secteur clé de l’économie en France. Aussi, tout est mis en œuvre par l’Etat et la filière pour reprendre les chantiers dans un cadre strict de sécurité des compagnons.

« Pas de reprise à risque des chantiers » déclarait Denis Dessus, président du Cnoa.

Un guide de préconisation de sécurité sanitaire a été édité et validé par le gouvernement pour assurer la continuité de l’activité de la construction. Sans caractère réglementaire, c’est néanmoins un outil de recommandations minimales pour pouvoir reprendre ou poursuivre des travaux. Les architectes sont en première ligne pour apprécier les conditions de cette reprise, et leurs conséquences sur la réalisations des tâches, la durée des travaux et le coût de l’opération.

Afin de les aider, l’Ordre des architectes, mais également les syndicats d’architectes et la Mutuelle des Architectes Français (compagnie d’assurance professionnelle) ont mis à la disposition des architectes, mais également des autres acteurs de la filière, un certain nombre d’outils pratiques.
Un MOOC gratuit a également été développé et mis en ligne sur le site du Cnoa pour former tous les architectes français au chantier dans un contexte Covid-19.

Demain, le monde d’après

Pour les architectes français, cette crise est une formidable occasion pour changer de paradigme et accélérer la révolution écologique. A ce titre, Denis Dessus, Président du Cnoa, déclarait « L’urgence économique ne doit pas occulter l’urgence écologique et sociale» au moment de communiquer le plan de relance économique proposé par les architectes.

Celui-ci préconise notamment un retour à une politique d’aménagement du territoire volontariste et coordonnée, à l’échelle des logiques écologiques, impliquant une complémentarité entre les territoires, une autre façon de consommer, en privilégiant les circuits-courts, et la qualité de vie. La crise actuelle a démontré que la métropolisation galopante n’était pas l’unique réponse au développement de nos sociétés.

De même, cette crise a également démontré qu’un logement était autre chose, et bien plus, qu’un simple produit financier, ce que les architectes français clament depuis toujours sans jamais trouvé d’écho, que ce soit auprès de l’Etat comme des promoteurs.

Cette crise leur permettra peut-être, enfin, d’être entendus !

 

Eric Wirth est vice président de l’ordre des architectes français

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Last modified: 5 Maggio 2020