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Christine DesmoulinsWritten by: Progetti

France, Vive la Pétanque sur l’Ile Seguin

France, Vive la Pétanque sur l’Ile Seguin

A Metz, Shigeru Ban et Jean de Gastines avaient invoqué un chapeau Chinois pour dessiner la toiture du Centre Pompidou, édifice souvent jugé plus remarquable par son programme et la scansion en trois galeries que par l’écriture architecturale issue de cette inspiration. On était déjà loin de la finesse du Ban des débuts mêlant avec maestria verre et tubes de cartons dans une élégante galerie d’art courbe et longiligne.

Le 22 avril, toujours avec de Gastines, le Pritzker nippon a inauguré la « Seine musicale », scène musicale réalisé avec Bouygues dans le cadre d’un partenariat public privé pour le Conseil général des Hauts de Seine. En plantant sur la pointe est de l’île Seguin, à Boulogne Billancourt la plus grande boule de pétanque du monde qu’ils enveloppent d’une voile de panneaux photovoltaïques mobile et coûteuse, les deux architectes tapent dans le mille et le « grand navire » qu’ils évoquent pour ce « Ban en banlieue », sonne faux pour ce paquebot pataud. Tant par les qualités paysagères de cette île sur la Seine que par la mémoire ouvrière qu’elle porte pour avoir abrité les usines Renault entre 1929 et 1992, beaucoup estiment que ce site rare méritait mieux.

En 2005, faute d’innombrables lenteurs et complications administratives liés aux recours opposés par des associations au schéma d’aménagement de l’Ile et au plan local d’urbanisme, François Pinault avait renoncé à y construire sa Fondation, préférant investir le Palais Grassi à Venise. Depuis, d’autres projets ont achoppé et c’est après le rachat d’un tiers de l’Ile en 2010 par le Conseil départemental des Hauts de Seine, pour un euro symbolique, que cette nouvelle scène musicale s’est concrétisée. Elle s’inscrit dans le projet d’aménagement global de l’île Seguin où la construction de 255 000 m 2 (logements, hôtels, bureaux, équipements) dont 84 000  m 2 dédiés à la culture est prévue. Elle obéit au schéma directeur défini par Jean Nouvel qui s’organise autour des deux pointes consacrées à l’art et à la musique et favorise entre autres choses une déambulation, des porosités et une interpénétration associant les grands équipements aux espaces publics.

Reliée par deux passerelles à Boulogne et Meudon et ancrée sur un terrain de 2,35 hectares, la scène musicale réunit sur 36 500 m2 une salle de spectacle de 4 000 à 6 000 places, un auditorium de 1 150 places, les locaux des artistes en résidence, des commerces, des restaurants et des fonctions annexes. Le parcours s’organise au fil d’une rue couverte et d’un grand foyer assez fade, qui traverse le bâtiment du parvis jusqu’à la pointe aval et relie les six entités principales : Maîtrise des Hauts-de-Seine, la grande salle et sa boîte noire, les espaces événementiels, l’auditorium, les studios d’enregistrement et répétition et les locaux de l’orchestre résident. La déambulation se poursuit à l’extérieur où les deux ailes en béton qui encadrent le parvis délimitent ainsi une promenade extérieures minérale face à Boulogne et une seconde plus végétalisée tournée vers Meudon. Sur le parvis, un escalier monumental mène au jardin de 7 410 m2 qui coiffe la toiture de la grande salle.

Yasushisa Toyota, l’acousticien star des salles des Philharmonies de Paris et Hambourg, est aussi intervenu ici et plus particulièrement dans la boule de l’auditorium qui est en elle-même une petite partition d’architecture intéressante en dépit de son accès par une batterie d’escalators à l’étroitesse déconcertante. Elle est protégée par une résille de bois vitré. Une mosaïque de carreaux d’un vert irisé habille sa coque acoustique et, à l’intérieur, la géométrie plus anguleuse d’un plafond formé d’un assemblage de tubes de bois, de cartons et de papier et les lattes du parement de bois des murs donnent le ton. Au sortir de la salle, la promenade des coursives dévoile la structure en bois et la vue sur le paysage environnant que conforte au niveau 4 une galerie offrant des cadrages panoramique à 360°.

Portée par Patrick Devedjian, député et président du Conseil départemental des Hauts de Seine, la Seine musicale fait l’objet d’un partenariat public privé (PPP) de trente ans entre le département des Hauts-de-Seine et Tempo-Île Seguin, un groupement d’entreprises (Bouygues, Sodexo, OFI InfraVia et TF1). Le coût de construction annoncé s’élève à 170 millions d’euros mais seul un bilan à long terme permettra de juger si le recours au PPP était ou non judicieux dans ce cas, tant en termes d’entretien que de coût global pour la collectivité.

Bien qu’elle renforce une offre parisienne déjà copieuse en la matière, ce qui n’est pas sans poser question, l’ouverture de la Seine Musicale marque néanmoins une étape décisive sur ce site où tant de projets d’architecture peinent à aboutir bien que l’inauguration du Pont Renault signé par Marc Barani ait désenclavé ce territoire dès 2009. D’autres programmes d’envergures étant annoncées un centre d’art réalisé par Emerige avec l’agence RCR sera, si tout va bien, inauguré en 2021 sur une parcelle de 14 000 mètres carrés à la pointe amont de l’île. Un hôtel « artistique » de 220 chambres signés par les architectes Eberle et Speicher est également annoncé de même qu’un multiplex cinématographique de 8 salles. Parmi les projets majeurs de la Zac Seguin – Rives de Seine, il faut aussi mentionner l’heureuse annonce de la reconversion du 57 Métal construit par Claude Vasconi en 1984, pour Renault qui valut à son auteur, le Grand Prix National d’Architecture. Longtemps menacé de démolition, ce bâtiment mythique devrait être transformé en bureaux par BNP Real Estate et l’architecte Dominique Perrault. N’oublions pas non plus les enjeux du Grand Paris pour ce quartier, avec notamment la gare Pont de Sèvres, dont l’ouverture est annoncée pour 2022. Dessinée par Jean-Marie Duthilleul, elle mettra l’île à 28 minutes d’Orly et 13 de La Défense.

Autore

  • Christine Desmoulins

    Giornalista e critica di architectura francese, collabora con diverse riviste ed è autrice di numerose opere tematiche o monografiche presso diverse case editrici. E’ anche curatrice di mostre: in particolare «Scénographies d’architectes» (Pavillon de l’Arsenal, Parigi 2006), «Bernard Zehrfuss, la poétique de la structure» (Cité de l’Architecture, Parigi 2014), «Bernard Zehrfuss, la spirale du temps» (Musée gallo romano di Lione, 2014-2015) e «Versailles, Patrimoine et Création» (Biennale dell'architettura e del paesaggio, 2019). Tra le sue pubblicazioni recenti: «Un cap moderne: Eileen Gray, Le Corbusier, architectes en bord de mer» (con François Delebecque, Les Grandes Personnes et Editions du Patrimoine, 2022)

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Last modified: 24 Maggio 2017