Bastia, deuxième ville de Corse, fut une plaque tournante du commerce insulaire sous la domination génoise (XIII e au XVIII e siècle) à laquelle elle doit aussi son plan en damier. Au XIX e siècle, des immeubles bourgeois sont venus border de larges boulevards et l’agrandissement de la Place Saint Nicolas en a fait l’une des plus vastes d’Europe. Entre mer et montagne, la ville se déploie sur sa façade maritime marquée par l’importance économique du port entre la anse du Vieux-Port, le port de plaisance et le port de commerce.
Si l’identité et la fonction maritime et portuaire de Bastia participent à son impact de métropole en Corse et en Méditerranée, la ville développe aujourd’hui une politique urbaine et architecturale très volontariste qui renforce son attractivité.
Patrimoine et reconquête des quartiers
“Élu en 2014, Gilles Simeoni , le maire de Bastia est aussi président de la communauté de Corse. Améliorer et moderniser son patrimoine, densifier les espaces existants et couturer la Ville sont les grands axes de sa politique urbaine. Outre la rénovation du centre ancien et du vieux port auquel les acteurs privés participent aussi, la remise en état des espaces publics et des entrées de ville attire désormais les promoteurs et les investisseurs. La requalification du centre ville et le développement de modes de déplacements doux ont une réelle incidence sur la mobilité quotidienne et la façon pratiquer la ville et Bastia se dote également d’équipements métropolitains structurants dont témoigne notamment l’opération en cours pour restructurer et agrandir le théâtre municipal”, indique Natacha Casalta, Directrice Générale et Adjointe Aménagement à Cità di Bastia.
La vieille ville, les alignements des grands axes, la place, les faubourgs paysagers et d’autres zones paysagères ou archéologiques sont labellisés “site patrimonial remarquable” (SPR). Autour de la citadelle, du Vieux-Port avoisinant, de la place du marché et du boulevard Paoli, le centre-ville bénéficie du Programme national de revitalisation des quartiers anciens dégradés. Le plan local d’urbanisme (PLU) favorise l’accès à la propriété d’une population jeune et le respect de la loi climat et résilience qui prévoit l’arrêt de l’artificialisation des sols d’ici 2050 incite à préserver la nature en ville et à exploiter l’existant.
Le Spassimare et l’Aldilonda
Pour remédier à l’étroitesse de l’axe nord-sud où la barrière physique de la route territoriale RT11 perturbe la circulation littorale, 19 kilomètres de pistes cyclables sont construits ou programmés en bord de mer et en cœur de ville. Inaugurée en 2018, le “Spassimare” longe ainsi le littoral par une voie douce qui s’étire en ruban sur dix kilomètres entre le port de plaisance et le Vieux port pour répondre à la problématiques des liaisons piétonnes entre les quartiers nord et sud. Depuis 2020, ce parcours d’agrément est raccordé au centre ville par la promenade piétonne de Aldilonda, un long balcon de 450 mètres suspendu au-dessus de la mer qui borde le socle rocheux de la citadelle. En reliant, la sortie du tunnel de la RT 11 à la plage de l’Arinella, cette promenade a changé la vie quotidienne des Bastiais. En longeant notre façade maritime par cette voie entre ville et mer, le Spassimare et l’Aldilonda ont restauré un lien longtemps coupé par les infrastructures, la côte et la citadelle. ” ajoute Natacha Casalta.
Co-financé par le FEDER (fond européen de développement régional), l’Aldilonda est aussi une prouesse géotechnique au contact des éléments. Réalisée par l’architecte ingénieur Dietmar Feichtinger (mandataire) et ses confères Buzzo-Spinelli, elle comprend plusieurs séquences adaptées au relief et aux contraintes du site classé de la citadelle par des rampes d’accès, une galerie souterraine sous le bastion et des passages à l’aplomb de ses remparts. Un travail de génie civil sur mesure l’ancre successivement dans l’eau, la roche, les remparts excavés, le parcours littorale et la digue. La structure est composée de dalles de béton précontraint coulées en place, de 23 consoles préfabriquées, ancrées par des tirants dans le massif rocheux et des 18 caissons préfabriqués du tablier. Un caillebotis en inox partiellement mobile en cas de tempête rempli le vide entre la falaise et la partie en béton.
Pour Michèle Barbé, présidente de la Maison d’architecture de Corse, cet ensemble illustre remarquablement la façon dont un projet d’architecture contemporaine innovant peut se saisir des questions de mobilités douces. “Avec le Spassimare, l’Aldilonda et le Mantinum (voir ci-dessous), qui transforment de façon décisive l’image du front de mer, Bastia s’est dotée d’un triptyque dont l’impact sur la notoriété de la ville me semble comparable à celui des thermes de Zumthor à Vals”, dit-elle. “Beaucoup viennent aujourd’hui à Bastia pour découvrir ces nouvelles réalisations et les habitants se sont totalement appropriés cet usage contemporain qui met en scène les vues sur le patrimoine et leur permet de redécouvrir la citadelle qui générait auparavant une vraie coupure dans la ville. Cette promenade fait date et le prolongement de cette stratégie de mobilité douce au nord de la ville et dans les quartiers périurbains renforcera encore les atouts de Bastia.”
Le Mantinum et le vieux port
Sur un dénivelé de plus de 35 mètres la Ville, le Mantinum est en lien avec l’Aldilonda, le jardin Romieu restauré et l’escalier monumental qui le jouxte. Cette architecture puissante réalisée par les architectes Buzzo Spinelli (mandataire) et Antoine Dufour avec la DRAC et l’architecte des bâtiments de France s’ajuste à l’arase des murs existants dans la continuité du Bastion et du cheminement piétons. Pour réunir un théâtre de verdure et la tour d’un ascenseur urbain entre le vieux port et la citadelle dans la ville haute, elle puise dans le génie du lieu la matérialité d’un béton de site coulé par passes horizontales de 16 cm et damé qui s’harmonise avec les remparts et la roche de la falaise. En haut du site, le théâtre de verdure fait écho au chemin de ronde des remparts.
“L’un des points clés de la politique urbaine de Bastia tient vraiment à notre chance d’avoir préservé le patrimoine historique”, insiste Vincent Circo, le directeur général des services techniques. Après le Mantinum, la requalification du Vieux port, se poursuit pour valoriser ce joyau et le relier à au Spassimare à l’aldilonga et à la place Galetta. Sous la houlette de l’agence In Situ (mandataire), ADP et Artelia, la réhablitation de l’habitat qui intègre un immeuble de Fernand Pouillon, ainsi qu’une requalification sobre et qualitative de l’espace public sont en cours. Il s’agit de favoriser l’interface entre les commerces et le port, de remettre en état le môle romain, d’harmoniser les parcours piétonnier et l’éclairage et de contenir intelligemment les terrasses des restaurants.
La réhabilitation extension du théâtre municipal
Avec son couvent et le théâtre municipal, le quartier Saint-François n’échappe pas à cette valeur patrimoniale. “Construit sur un éperon rocheux entre en 1879 par l’architecte Andrea Scala, ce théâtre bombardé en 1913 a été transformé en tribunal dans les années 1970 avant de redevenir théâtre en 1981. Il réunit trois corps de bâtiments : le péristyle d’entrée, la salle à l’italienne et la cage de scène”, précise Vincent Circo. La restauration lourde confiés aux architectes Huit et demi (mandataire) et à l’architecte des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier est un projet territorial destiné à y créer un grand pôle culturel associant au théâtre un conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique. Une pluralité d’usages et d’événements seront possibles, en lien avec d’autres équipements voués à l’art et à la culture dont l’Alb oru ouvert en 2015 dans les quartiers sud. “Débarrassé de ses scories, le théâtre retrouvera sa majesté, ses galeries et le magasins de sa façade latérale sur rue. La salle, mise aux normes, conservera la configuration d’origine et l’ancien foyer accueillera un auditorium partagé entre le conservatoire et la Ville. Aux 8000 m2 existants nous ajoutons le surélévation de 3 niveaux en métal et verre destinée au conservatoire. Ce dernier aurait pu être implanté dans l’ancien couvent Saint-François qui appartient à l’État, mais son mauvais état appelant des investissements couteux, une étude de programmation est en cours. Cette restructuration lourde remodèlera les cheminements piétonniers du centre ville. Face au péristyle, elle libérera l’esplanade arborée du parking qui la défigure”, ajoute Vincenzo Circo.