En France, l’Etat a mis en place des mesures de soutien généreuses pour aider les entreprises à financer le chômage partiel. Comme en Italie, les agences se sont bien organisées pour travailler à distance. Pour appréhender l’impact du confinement, nous avons rencontré Jean-Paul Viguier, fondateur à l’agence Viguier et Associés, Lucrezia Rampinelli-Rota, directrice associé et Eurydice Broutin, directrice des relations humaines. Avec 140 personnes et des réalisations à travers le monde, l’agence est l’une des plus importantes de France.
Quelle fut votre réaction à l’annonce du confinement ?
Jean-Paul Viguier : sa soudaineté a conduit à des mesures d’urgence quand l’agence s’est vidée de ses équipes. En deux jours, le service informatique a su mettre en place le télétravail et Eurydice et Lucrezia ont orchestré une totale réorganisation avec la responsable juridique et nos directeurs. Le travail à distance et une part de chômage technique ont été mis en place selon l’état d’avancement des projets, le travail réalisable et la situation des salariés. Huit collaborateurs ont sollicité le congé maladie-garde d’enfants mis en place par l’Etat pour soutenir financièrement les parents de jeunes enfants contraints à les garder.
Quel a été l’impact sur vos activités et l’éventuelle évolution de votre regard sur le télétravail ?
Lucrezia Rampinelli-Rota : nous avons maintenu un contact permanent avec les collaborateurs pour les informer et connaître leur ressenti. En tant que directrice des opérations, j’ai gardé une proximité avec ceux qui avaient besoin de support ou de conseils. Peu d’entre eux ont éprouvé des difficultés à travailler efficacement à distance. Nos équipes travaillent sous forme d’ateliers pluridisciplinaires et les difficultés rencontrées provenaient principalement de l’organisation de l’espace du travail au domicile et de la difficulté à communiquer avec les collègues. Le télétravail a bien fonctionné bien que nos méthodes aient été bouleversées. La grande dimension de nos projets entraînant une répartition par équipe, la proximité physique et les infrastructures de l’agence sont une ressource précieuse pour les mener à bien et-et d’ordinaire, à chaque changement d’affectation, nous déplaçons le poste de travail des collaborateurs pour les regrouper en équipe. Les activités extérieures et les chantiers ont repris dès l’adoption des mesures de sécurités et de santé gouvernementales. Au début du déconfinement progressif, le télétravail a été maintenu sauf pour les visites de conformité architecturale sur les chantiers et nous avons décalé la réouverture physique de l’agence au 2 juin avec une rotation des équipes en fonction des projets. Après un bilan de l’état d’avancement des chantiers avec tous nos maîtres d’ouvrage, la plupart ont continué partiellement avec des équipes réduites. Certains se sont poursuivis sans encombre, une minorité étant totalement interrompue. Pour ceux-là, nos équipes ont continué à travailler sur des sujets hors conformité architecturale sur place, en faisant les VISA, les études complémentaires en phases travaux ou des permis de construire modificatif. Le télétravail a montré que rester en contact est aisé et que réduire les échanges « moins nécessaires » libère plus de temps pour la production et le suivi d’opérations.
Est-il si facile de faire revenir tout le monde à l’agence en tenant compte des nouvelles contraintes de sécurité imposées aux employeurs ?
Euridyce Broutin et Lucrezia Rampinelli-Rota : pour assurer la réouverture la plus sécurisée, la plus efficace et la plus agréable possible, un groupe de travail a été constitué dès l’annonce du déconfinement afin d’organiser avec les représentants du personnel les modalités matérielles et pratiques du retour à l’agence en réaménageant les locaux pour répondre au protocole sanitaire établi par le Ministère du Travail et à partir d’un point confidentiel sur la situation de chaque salarié quant aux conditions de télétravail, de déplacement et d’ éventuels risques de santé.
Avez-vous des craintes quant aux conséquences de cette crise ?
LRR : Nous espérons une reprise totale en septembre sans quoi nous devrons envisager une restructuration de nos effectifs. Au plan juridique, la crise a posé des questions inédites, notamment sur l’exécution des contrats privés et publics comme en termes de droit social et de responsabilité de l’employeur sur la sécurité des salariés. S’agissant des contrats nous espérons que la mise en œuvre des démarches amiables, préconisées à juste titre par les assureurs et le Conseil de l’Ordre des architectes, en vue de prévenir d’éventuels contentieux par le dialogue avec les différents intervenants comblera les vides juridiques. Pour la sécurité des salariés, le choix a été fait d’une application stricte des préconisations gouvernementales afin de limiter au maximum les risques.
Aura-t-elle selon vous un impact durable sur la profession ?
LRR : Nous sommes optimistes et confiants. La réduction inévitable de nos activités tend à s’atténuer et nous espérons être à « plein régime » d’ici quelques semaines, De façon plus générale, la Covid ayant entraîné un changement des paradigmes architecturaux, les contraintes sanitaires et de sécurité sont à considérer avant toute autre préoccupation.
Croyez-vous vraiment à une “vie d’après” ?
LRR : Le confinement qui appelait une réactivité a mis en évidence des axes d’amélioration dans notre organisation et notre catalogue d’outils collaboratifs. Cette période est aussi intéressante car elle questionne sur la façon de concevoir l’architecture post-Covid. Lors du confinement, nous avons rêvé le « monde d’après » dans une ville où tous les logements auraient des espaces extérieurs au contact de la nature. Cette crise remet au cœur des réflexions urbaines et architecturales les questions liées à la rénovation de l’espace urbain, à la mixité d’usage et à la flexibilité des espaces. Toutefois, sans une intervention volontariste de l’Etat et de l’ensemble des autorités politiques pour éduquer aux pratiques responsables et soutenir les architectes et tous ceux qui agissent aujourd’hui dans une perspective de long-terme, nos professions n’auront qu’une très faible marge de manœuvre.
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