La Canopée des Halles et la gare souterraine Chatelet les Halles
Créée par Patrick Berger et Jacques Anziutti sur un dessin de Patrick Berger, la Canopée inaugurée en avril installe un nouveau monument qui occupe une place de choix au cœur de la capitale française et répond aux enjeux du Grand Paris. L’ondulation de cette immense couverture de verre et d’acier laisse passer l’air et la lumière, mais aussi l’axe urbain reliant d’est en ouest, parallèlement à la Seine, le Centre Pompidou à la Bourse du commerce.
La Canopée n’est en réalité que la partie émergée de la vaste pièce souterraine qu’elle abrite et « cette porte urbaine à laquelle on accède par en dessous » est le centre de gravité de la métropole au carrefour des lignes de RER desservant les banlieues.
Sur cinq niveaux de sous-sol se superposent ici la plus grande gare multimodale souterraine urbaine coiffée par la salle d’échange Chatelet les Halles et le centre commercial du forum. Fréquenté au quotidien par 800 000 personnes, l’ensemble se déploie jusqu’à 24 mètres de profondeur et sur 500 mètres de longueur vers la place du Chatelet. Dans quelques mois, lorsque Berger et Anziutti termineront la restructuration de la gare souterraine, l’architecture de la Canopée prendra tout son sens. La perspective de l’axe Est Ouest qu’elle redessine déjà par un cadrage convaincant sur le sommet du centre Pompidou à l’Est sera totalement libérée des installations de chantier qui masquent encore son ouverture vers la Bourse du Commerce et le jardin créé par David Mangin à l’Ouest qui lui donnera le recul d’un parvis.
Depuis les années 1970 et la sinistre démolition des pavillons de Victor Baltard édifiés au XIX ème siècle pour le marché de gros, le quartier des Halles longtemps surnommé « le ventre de Paris » a donné lieu à de multiples concours mais il n’a jamais vraiment su retrouver une identité à la hauteur du Paris historique. En 1974, le tournage du western ironique de Marco Ferreri « touche pas à la femme blanche » ridiculisa l’abîme creusé face à l’église Saint Eustache. La construction de la gare RER, celle du Forum des Halles des Halles avec sa verrière en cascade signé des architectes Vasconi et Pencreach (1979) et d’autres équipements permirent de reboucher le cratère. Les parapluies de Jean Willerval aujourd’hui détruits vinrent chapeauter le périmètre du forum qu’ils enfouirent de fait et le tout fut cerné dans ces mêmes années par des immeubles qui ne firent que confirmer l’apparence hétéroclite et désordonnée d’un site majeur. On mesure ainsi la difficulté d’intervenir 40 ans plus tard, mais la Canopée crée un effet de catharsis. Sa monumentalité ouverte redonne du souffle au quartier. Son arche capte la vigueur des axes et des cadrages qu’elle révèle sur le paysage urbain, le ciel, la bourse du commerce ou l’église Saint-Eustache. La place publique étagée qu’elle protège ravive des horizontales, des diagonales et des verticales. Elle crée un effet de seuil pour les nouveaux équipements publics qu’elle accueille et fluidifie les flux en désenclavant la descente vers les espaces du forum et la gare.
C’est en 2007, que Patrick Berger et Jacques Anziutti remportèrent le concours international élisant leur canopée. Suite à celui-ci organisé par la Ville de Paris, ils gagnèrent en 2008, celui lancé par la RATP et la STIF pour la restructuration de la gare souterraine. Ces deux consultations avaient fait suite au concours d’idées organisé par la Ville en 2004 sur le quartier des Halles qui fit couler beaucoup d’encre. Jean Nouvel et OMA, parmi d’autres s’y confrontèrent, les associations s’en mêlèrent. Le projet de David Mangin (SEURA), créateur du parc public qui fait désormais face à la canopée fut finalement retenue. Le budget indiqué par la SEM Paris Seine, s’élève à 238 millions d’euros pour la partie émergée et à 918 M€ HT pour l’opération globale qui remodèle Forum, gare RER et voiries en site occupé.
Un projet complexe, croisement d’enjeux urbains et fonctionnels
Avoir remporté les deux concours donne une vraie cohérence à ces deux projets dans un concept architectural qui fait aussi place à la notion d’ouvrage d’art pour relier sans discontinuité, le dessous et le dessus d’un site où les fonctions et s’entrecroisent. Ce chantier complexe s’est déroulé en site occupé sans perturber les fonctions, ce qui explique les options structurelles. Il remodèle les parcours et les flux en conciliant des contraintes d’usage souvent contradictoires. Si la sécurité du pôle de transports impose de faire remonter le plus directement très rapidement des flux de voyageurs vers l’extérieur, l’attractivité du centre commercial, propriété d’Unibail Rodamco, exige aussi une déambulation lente et sinueuse sur ses trois niveaux excavés.
Comme tout grand chantier de ce type, celui-ci il a connu ses aléas, ses retards et ses surcoûts, liés à la découverte d’amiante notamment.
Du dessin à la main à l’inscription dans la ville
Pour Patrick Berger, « les formes curvilignes de la Canopée résultent des énergies naturelles et urbaines agissant sur le site (pluie, vents, flux de piétons, mémoire du lieu, voisinage) ». Son dessin tient du « paysage d’un site » car la « géométrie des forces puis le dessin de son équilibre ont modelé la Canopée et produit son « motif ». Dessinant à la main, il s’est inspiré de l’émergence des formes de la nature avant de passer à la modellisation numérique et au dessin géométral.
Les notions de couture urbaine et d’immatérialité étant trop faibles face à la confusion d’un quartier où il fallait remettre de l’ordre et ancrer un signal qui s’installe dans le temps, le premier mérite de la Canopée tient à sa masse instaurant une monumentalité puissante qui conjugue le lourd et le léger en cultivant une esthétique de l’épaisseur. Au nord et au sud, ce sont les deux ailes de trois niveaux habitées par 14 000 m2 d’équipements culturels et des commerces qui dégagent la perspective de l’axe Est Ouest. Elles sont réunies par l’ouvrage d’art de franchissement qui culmine à 14 mètres au- dessus du sol et abrite la place centrale qui s’étend sur 140 mètres de long et 80 de large.
Présentant une ouverture monumentale de 96 mètres d’envergure à l’Ouest, la montée vers Paris s’évase vers le jardin, l’église Saint Eustache et la Bourse du Commerce. Unitaire sur 2,5 hectares, l’enveloppe en verre monochrome renforce l’idée d’une porte de Paris qui prend de la hauteur et rend ainsi au site sa part de dignité. A l’extérieur, les rues voisines semblent comme rétrécies par la prédominance de l’objet qui les libère de certaines scories. Des marquises de verre ponctuent les façades des commerces et les entrées vers le centre commercial.
Une structure autostable et 18 000 écailles de verre
Au-delà de son esthétique et de sa masse, le système constructif des portiques pour les ailes nord et sud et celui d’une structure en acier autostable pour la couverture, répondent de façon synthétique aux questions inhérentes au programme et l’infrastructure du sous-sol. Toute traction et toute poussée horizontale de nature à modifier l’infrastructure existante étant exclues, la couverture ne s’appuie que sur les points porteurs des portiques qui cernent l’espace central, ceux-ci venant en surélévation des piliers en béton de l’infrastructure du sous-sol.
La structure de la couverture réunit une poutre caisson en « U » sur laquelle reposent 15 poutres ventelles twistées pour l’inclinaison et le recouvrement des éléments successifs.
La surface de l’enveloppe en double courbure est formée de 18 000 écailles de verre. Ce verre de teinte champagne tire sa propre matérialité des propriétés techniques, physiques et climatiques attendues et des effets plastiques souhaités par les architectes.
Seul le temps dira….
Lors de son inauguration, comme tout monument neuf inséré dans une ville, la canopée n’a pas échappé à son lot de critiques dont celle portant sur sa couleur. Cette teinte champagne que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres réalisations de Patrick Berger se marie bien avec la pierre de l’église Saint Eustache et de la Bourse du Commerce. Elle peut être vue de plusieurs façons, sous divers angles et sous des ciels plus ou moins amènes. Si les nuages l’attristent, le soleil illumine les structures métalliques des façades incurvées qui guident le regard dans l’axe Est Ouest. Si l’on songe au jaune des boiseries de fenêtres du château de Versailles, choisis pour se confondre avec l’or au soleil couchant, c’est assez bien vu.
La Canopée doit maintenant être livrée aux outrages et aux regards du temps. Ils diront, dans trente, cinquante ou cent ans comment elle résistera.
Le pôle de transports que les parisiens percevait comme l’un des lieux anxiogènes de la capitale avec son immense salle d’échange, confuse comme un flipper prêt à faire « tilt » commence à prendre aussi, une nouvelle tournure. Ses cheminements sont remodelés, élargis et clarifiés, ce qui facilite le repérage. De nouveaux accès vers l’extérieur sont créés avec la nouvelle sortie de la place Marguerite de Navarre où la lumière naturelle est captée et diffusée en profondeur par les pavés de verre inserrés dans la coque de couverture en ductal, émergeant tel un repère dans la rue.
La collection François Pinault à la Bourse du commerce
La Canopée à peine inaugurée, c’est l’industriel et collectionneur d’art contemporain François Pinault qui annonçait son intention d’investir les 13000 mètres carrés de la Bourse du commerce et 4000 mètres carrés d’expositions en inventant pour ce lieu une programmation pluridisciplinaire (arts plastiques, scénographie, musique, cinéma, vidéo…). Trouvant enfin dans Paris un nouveau lieu dédié à sa collection, onze ans après avoir renoncé à son projet de l’île Seguin au profit du Palazzo Grassi (2006) et de la Punta della Dogana à Venise (2009), il donnera lui aussi un nouveau rayonnement au quartier des Halles. Ce site se trouvant sur une diagonale muséale allant du Centre Pompidou au Louvre et au musée d’Orsay, il contribue aussi à la métamorphose de la rue du Louvre, voisine du palais, où se trouve l’entrée principale de la Bourse du commerce. Ajoutons que celle-ci n’est à quelques pas de la mythique poste du Louvre, édifiée au XIX è siècle par l’architecte Julien Guadet et actuellement restructurée par Dominique Perrault qui revalorise l’ouverture sur la ville d’un monument historique à l’échelle d’un îlot urbain.
Déjà signataire des sites de François Pinault dans la Sérenissime, l’architecte Tadao Ando réalisera ces nouveaux aménagements en association avec l’architecte en chef des Monuments Pierre-Antoine Gatier et la jeune agence NeM. Le coût du projet est évalué à 100 millions d’euros. Sous la houlette de François Pinualt, son fils, François-Henri, PDG de Kering, gérant de Financière Pinault et président du conseil d’administration d’Artémis présidera le conseil d’administration. Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et conseiller de François Pinault pour ses activités artistiques et culturelles, présidera le Conseil d’orientation. Martin Béthenod, déjà directeur des établissements vénitiens assumera en parallèle la direction du nouveau pôle dont l’ouverture est annoncée pour 2018.
Vouée jusqu’alors à ses fonctions administratives, la Bourse du commerce se caractérise par son plan circulaire surmonté d’une coupole classée monument historique au même titre que certains éléments de décor. Inaugurée en 1889, elle résulte de la transformation par l’architecte Henri Blondel de l’ancienne Halle aux blés construite un siècle plus tôt.
C’est au terme d’un accord avec Anne Hidalgo, la maire de Paris que la concession de ce bâtiment donnant lieu au versement d’une redevance et à la prise en charge des travaux de restauration a été attribuée à l’industriel. Il reviendra à la Ville de Paris au terme de la concession.
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