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Christine DesmoulinsWritten by: Città e Territorio

Les nouveaux aménagements du Mont Saint-Michel

Les nouveaux aménagements du Mont Saint-Michel

Entre le 9 et le 12 mars 2016, une période grandes marées a mis en scène les premiers effets des grands travaux de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel et des aménagements inaugurés en octobre dernier au terme de vingt ans d’études et de dix ans de travaux.

En attirant chaque année plus de 2,5 millions de visiteurs venus du monde entier, le Mont Saint-Michel et sa baie, avec son paysage et ses écosystèmes, sont l’un des sites touristiques les plus visités de France. Depuis 1979, cette prouesse architecturale et l’harmonie qu’elle entretient avec la baie qui la cerne sont consacrées par une double inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

Pendant longtemps, le caractère insulaire du Mont a été mis en péril par l’ensablement consécutif aux sédiments charriés dans la baie qu’un processus naturel tend à combler à marée montante. L’ancienne digue route et des canaux d’irrigation agricole creusées en déviant les eaux du Couesnon, dont l’embouchure se situe dans la Baie, accentuait ce phénomène. Dès la fin des années 1930, un premier projet avait été lancé pour déraser la digue, mais il avait été interrompu par la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1960, la construction d’un barrage sur le Couesnon avait encore empiré les choses et tout laissait penser qu’en 2042, le Mont Saint-Michel pourrait être totalement entouré d’herbus. De là est né l’idée de rétablir à long terme le caractère insulaire du Mont.

En 1995, lorsque cette grande opération de réaménagement, où des objectifs patrimoniaux, paysagers, écologiques, économiques et touristiques s’imbriquent a été lancée, les conditions de visite étaient loin d’être à la hauteur du rayonnement du lieu et de l’engouement qu’il suscite. Orchestrée par l’Etat, en lien étroit avec les collectivités locales, elle s’est donnée pour objectif de «  restaurer profondément le paysage qui sert d’écrin à l’un des hauts lieux de l’humanité et de renouveler l’approche du site, dans l’esprit des traversées.  » Le projet conçu par l’Etat étant déclaré d’utilité publique en 2003, la méthodologie consiste à libérer le mont de l’emprise des herbus en utilisant les forces conjuguées de la mer et du Couesnon. L’État a participé au financement du projet à hauteur de 85 millions d’euros sur un total de 184 millions et le syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel qui réunit l’ensemble des collectivités locales concernées a pris en charge la maîtrise d’ouvrage des travaux.

 

Démolition, travaux hydrauliques et ouvrages d’art

La première étape a consisté à démolir l’ancien barrage du Couesnon pour édifier le nouveau barrage conçu par l’architecte Luc Weizmann et BRL ingénierie, qui est la pierre angulaire de l’opération. Mis en service en mai 2009, il a pour objectif de redonner au Couesnon, la force hydraulique nécessaire pour compléter celle de la mer et évacuer les sédiments vers le large. Parallèlement à sa construction, des aménagements hydrauliques, le curage du fleuve et la remise en eau d’une anse ont permis d’accroître la force des lâchers d’eau du barrage. Parallèlement, la réalisation de deux chenaux dans la baie, en aval du barrage ont permis au fleuve de s’écouler de part et d’autre du Mont.
La seconde étape, inaugurée l’automne dernier concerne les ouvrages d’accès au Mont. Conçus par l’architecte Dietmar Feichtinger, ils conduisent les visiteurs du parking situé sur le continent, en retrait du Mont, jusqu’au pied des remparts, où la porte de l’Avancée est l’entrée principale du Mont. Une nouvelle digue d’un kilomètre construite sur la terre ferme est prolongée par un pont-passerelle de 760 mètres de long qui aboutit à une cale en pente douce. Outre leur finalité technique, ces ouvrages qui se substituent à l’ancienne digue route favorisent l’intégration visuelle des conditions d’accès au site.
Pour les visiteurs, la découverte commence depuis le parc de stationnement paysager et les nouveaux services d’accueil et d’information situés à proximité.

 

Le barrage sur le Couesnon

Inséré dans un lieu où la nature et la culture technique se rencontrent, cet ouvrage unit les forces du fleuve et de la mer pour chasser les sédiments loin du Mont et abaisser le niveau des grèves. Pour l’architecte Luc Weizmann, ces infrastructures font l’objet d’une étude particulière en résonnance avec l’esprit du site qui explique que le dessin des vannes et des grandes roues fasse écho aux instruments de marine en symbolisant dans l’espace la mobilité des éléments naturels. Un espace de public de contemplation, le balcon maritime, permet de découvrir le mouvement des vannes et des eaux et le rapport du Mont saint-Michel au ciel et à la Baie.
À chaque marée, le barrage redonne progressivement au rocher et aux grèves leur caractère maritime, grâce aux effets de ses chasses d’eau régulées, dirigées vers les abords du Mont. Ses huit vannes actionnées par des vérins hydrauliques assurent les opérations de remplissage et de vidage au rythme des marées afin d’amplifier le débit naturel du fleuve. À l’horizon 2025, le Couesnon ainsi devrait avoir reformé un large estuaire dans la baie, redonnant ainsi au Mont son paysage maritime.

 

La digue et le pont-passerelle

«Le Mont Saint Michel prend toute sa force du paysage dans lequel il se dresse. Il est le seul point d’intensité dans la planéité infinie des grèves  », dit Dietmar Feichtinger, «  le projet ne devait donc pas perturber le génie du lieu lié à ce statut ambigu et à l’absence de repères et d’échelle. Le regard du visiteur doit continuer à se perdre au fil d’une promenade qui est lieu de sensations d’immersion dans une immensité.»
Sa lecture du site l’a conduit à faire de la digue et de sa jetée terminée par la cale, un ouvrage d’une horizontalité totale. Au plus près du plan des grèves et aussi fin que possible, il file à un niveau qui répond aux impératifs d’insubmersibilité. Son tracé dans le site résulte de ces choix et des contraintes hydrologiques.

La digue est une levée de terre empierrée sur un profil trapézoïdal très ouvert. Le profil de la lame de la jetée est comprimé en porte-à-faux sur une double rangée de piliers fins (30 cm de diamètre), en retrait tous les 12 mètres. Participant à l’expression recherchée d’une jetée légère portée par des pilotis, cette portée assure la finesse du tablier. Les piliers intègrent un noyau d’acier plein enrobé d’une couche mince de béton anticorrosion et les poteaux sont encastrés dans le plateau précontraint qu’ils supportent.

La voie est partagée entre deux passages piétons recouverts d’un platelage de chêne de part et d’autre de la chaussée centrale réservée à la circulation des navettes. Entre la jetée et la cale, les deux bandes des cheminements piétons se dégagent sur des consoles métalliques en porte-à-faux de la chaussée centrale qui devient la colonne vertébrale de l’ouvrage.

 

Les résultats attendus seront-ils au-rendez-vous?

Depuis l’entrée en service du barrage sur le Couesnon en 2009, les premiers résultats sont encourageants au vu d’une accélération de l’érosion souhaitée des terres (recul des herbus). 
D’après les données du syndicat mixte, et dans un rayon d’un kilomètre autour du Mont, les surfaces ayant repris un caractère maritime sont passées de 125 hectares à 156 hectares entre février 2009 et avril 2011 permettant aux surfaces terrestres de perdre une trentaine d’hectares. L’efficacité des dispositifs imaginés ne pourra toutefois être appréciée que sur le long terme, probablement à l’horizon 2025, et le nombre de jours où le Mont sera totalement entouré par la mer fait toujours débat. Le barrage est conçu pour durer au moins un siècle, mais son action limitée aux abords du Mont suffira-t-elle à conjurer à très long terme le phénomène d’ensablement de la Baie.
Au fil de son déroulement, le projet a donné lieu à certaines polémiques notamment lies à la délégation de service public attribuée à Veolia Transdev pour la construction et l’exploitation des parcs de stationnement et des navettes de transport et en 2013, un rapport de la Cour des Comptes s’est interrogé sur la pertinence du projet en relation avec l’offre touristique.

 

 

Autore

  • Christine Desmoulins

    Giornalista e critica di architectura francese, collabora con diverse riviste ed è autrice di numerose opere tematiche o monografiche presso diverse case editrici. E’ anche curatrice di mostre: in particolare «Scénographies d’architectes» (Pavillon de l’Arsenal, Parigi 2006), «Bernard Zehrfuss, la poétique de la structure» (Cité de l’Architecture, Parigi 2014), «Bernard Zehrfuss, la spirale du temps» (Musée gallo romano di Lione, 2014-2015) e «Versailles, Patrimoine et Création» (Biennale dell'architettura e del paesaggio, 2019). Tra le sue pubblicazioni recenti: «Un cap moderne: Eileen Gray, Le Corbusier, architectes en bord de mer» (con François Delebecque, Les Grandes Personnes et Editions du Patrimoine, 2022)

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Last modified: 30 Marzo 2016